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La mémoire à l’œuvre : la Chaire muséale Audain et le souffle vivant du Refus global
Il est des gestes qui, à travers le temps, refusent de s’éteindre. Des gestes fondateurs, qui ne cessent de renaître sous de nouvelles formes, dans de nouveaux langages. Le 14 octobre 2025, aux Archives nationales du Québec à Montréal, c’est un tel geste qui s’est rejoué : celui du Refus global, transfiguré en un instrument d’avenir — la Chaire muséale Audain.
Loin d’une commémoration académique, cette chaire marque un acte de transmission active, un pari sur la durée et la pertinence du mouvement automatiste dans un Québec qui, tout en célébrant ses pionniers, cherche encore à comprendre comment l’art peut être force de libération.
Françoise Sullivan, danseuse, chorégraphe et artiste visuelle la dernière signataire du Refus Global encore en vie reçoit une longue ovation.
Un legs vivant : de l’histoire à la recherche
Créée grâce à un don fondateur de 2 millions de dollars du mécène et collectionneur Michael J. Audain, en collaboration avec la Fondation du MNBAQ, la Chaire muséale Audain s’impose comme une première au Québec. Elle n’est pas une simple structure de recherche : elle est un laboratoire muséal, un lieu d’articulation entre mémoire, diffusion et innovation.
Dans le sillage du centenaire de Jean Paul Riopelle et du 75ᵉ anniversaire du manifeste du Refus global (1948), la chaire se donne pour mission de pérenniser l’héritage des Automatistes — ces artistes qui ont su faire du geste créateur une insurrection intérieure, et du Québec une scène d’émancipation esthétique et spirituelle.
Son titulaire, Guillaume Savard, directeur des contenus de l’Espace Riopelle, y voit un instrument de rayonnement international :
« En reconnaissance des valeurs d’émancipation, de créativité et de liberté que les Automatistes promulguaient, la Chaire aura le devoir de favoriser le plein rayonnement et la plus large diffusion possible de leur legs. »
Ce legs, c’est celui d’une modernité qui, au lieu de se figer dans les manuels, continue d’agir dans la conscience collective.
Une chaire en mouvement : réseau, recherche, résonance
L’originalité de la Chaire Audain tient à son modèle dématérialisé et partenarial. Si elle est ancrée au MNBAQ, elle se déploie en collaboration étroite avec les grands musées du Québec et du Canada, ainsi qu’avec plusieurs universités. Ce décentrement méthodologique fait écho à l’esprit même du Refus global : refuser les hiérarchies figées, les centralisations stériles, pour ouvrir l’art à des circulations libres et transversales.
La Chaire deviendra ainsi un pôle de référence mondial pour l’étude et la diffusion de l’héritage automatiste. Parmi ses premiers chantiers, citons :
L’organisation d’un Symposium international sur Jean Paul Riopelle et les Automatistes (automne 2026) ;
La mise en valeur des artistes femmes du mouvement, dont Marcelle Ferron, dont la lumière demeure une figure d’avant-garde ;
L’aménagement d’une salle permanente dédiée aux Automatistes dans le futur Espace Riopelle ;
L’intégration d’œuvres automatistes dans des expositions à portée internationale, où leurs affinités formelles et spirituelles pourront dialoguer avec d’autres modernités ;
Le développement de programmes de recherche et de diffusion avec des universités et institutions culturelles d’ici et d’ailleurs.
Ce programme ambitieux ne vise pas seulement la conservation : il engage une réécriture du récit moderniste québécois, replacé dans une perspective internationale et transdisciplinaire.
Les Automatistes : une révolte toujours en acte
Le mécène et la mémoire : Michael J. Audain, un regard d’avenir
« Le legs des Automatistes doit être mieux connu, célébré et transmis », déclarait-il lors du lancement. « Cette initiative est un appel à l’action collective, à notre devoir de mémoire, à notre obligation d’en transmettre l’art et les savoirs. »
Son don fondateur ne se lit pas comme une simple contribution financière, mais comme une geste esthétique et éthique : investir dans la durée, dans la recherche, dans le dialogue entre générations. En cela, Audain rejoint à sa manière la logique même des Automatistes — celle d’un engagement pour la liberté de créer et de penser.
De la mémoire au devenir : un modèle muséal pour le XXIᵉ siècle
En articulant muséologie, historiographie et création contemporaine, la Chaire Audain ouvre un champ inédit : celui d’une muséologie critique, capable d’interroger ses propres récits. Ce faisant, elle rejoint la vision d’un Québec qui reconnaît enfin que ses modernités — de Borduas à Ferron, de Riopelle à Sullivan — sont des foyers de pensée mondiale.
Un legs visionnaire en action
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Photos © LENA GHIO, 2025
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