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Boris Skossyreff _l'Escroc qui fut roi
Le documentaire Boris Skossyreff : Le Roi des Escrocs réalisé par Jorge Cebrián plonge dans l'univers fascinant et délirant de l’un des personnages les plus énigmatiques et audacieux du XXe siècle. En l’espace de 90 minutes, Cebrián tisse un portrait à la fois captivant et hallucinant de cet aristocrate russe autoproclamé roi d’Andorre, un homme dont les aventures semblent sorties tout droit d’un roman d'espionnage, mais qui, pourtant, sont bel et bien réelles. L'originalité de ce film réside dans la richesse des archives historiques qu’il utilise, des films, des photos et des témoignages inédits qui dépeignent l’ascension et la chute de Boris Skossyreff. Né dans la Russie tsariste en 1900, il navigue avec aisance dans l’Europe troublée de l’entre-deux-guerres, tantôt collaborateur nazi, tantôt gigolo dans les salons mondains, multipliant les identités et les aventures rocambolesques. Loin d'être un simple escroc, cet homme savait manipuler le pouvoir, les faiblesses humaines, et n’hésitait pas à s'impliquer dans des complots internationaux. Il fit l’étonnante tentative de se faire couronner « roi d’Andorre » en 1934, un coup d’éclat qui, bien que rapidement réprimé, reste l’un des moments les plus fascinants de sa carrière d’aventurier.
Ce qui frappe dans ce documentaire, c’est la profondeur de l’enquête menée par une équipe d'historiens et de conseillers internationaux. L'analyse détaillée des documents et des événements nous permet de comprendre l’importance de cet homme dans le contexte de l’Europe dévastée par la guerre, tout en dévoilant son charisme trouble et sa capacité à échapper sans cesse aux pièges qu'il tendait lui-même.
Pour les amateurs de récits historiques pleins de rebondissements, Boris Skossyreff : Le Roi des Escrocs est une découverte incontournable, entre thriller historique et biographie détonante.
NIKI
Niki : Un portrait flou d’une artiste sans son art
Niki, le premier film de Céline Sallette, nous plonge dans la vie tumultueuse de Niki de Saint Phalle, l’une des figures les plus emblématiques de l’art moderne. Pourtant, malgré les aspirations évidentes du film à rendre hommage à cette artiste visionnaire, il reste à la surface de son héritage créatif, en privilégiant l’introspection psychologique et les tourments personnels au détriment de l’œuvre elle-même.
L’histoire se concentre sur les traumatismes de Niki, ses relations conflictuelles et son parcours de guérison à travers la peinture. L’interprétation de Charlotte Le Bon, aussi belle que fragile, s’impose comme le centre du film. Cependant, à mesure que le récit avance, l’on se rend vite compte que l’œuvre de Niki est presque absente du cadre. Les scènes où elle peint sont évocatrices, mais floues, réduites à de vagues allusions : un dos de toile, quelques éclaboussures de peinture… Il manque cruellement de scènes où l’on pourrait apprécier la singularité de son travail – une lacune frustrante, puisque c’est cet art qui fait la renommée de Niki.
Le film se concentre davantage sur ses démons intérieurs et sa quête d’identité, mais cette démarche semble parfois superficielle. Les flashbacks sur son enfance, très stylisés, sont des symboles lourds, et ses crises de panique sont traitées de manière presque télévisuelle. Bien que l’intention de Sallette soit évidente – explorer l’artiste à travers ses luttes personnelles – l’absence de son art, qui transgressait les normes et créait un véritable bouleversement visuel, prive le film de son potentiel iconoclaste.
Finalement, Niki laisse le spectateur dans une forme de frustration. Sans une plongée plus profonde dans son œuvre, l’hommage à cette artiste révolutionnaire reste incomplet, et le film s’éteint sur une note de satisfaction personnelle pour Niki, mais sans l’éclat de l'art qu’elle a pourtant offert au monde.
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LES FANTÔMES
Les Fantômes : Un thriller sans artifices, sur la quête d'une justice impossiblePour son premier long-métrage de fiction, Jonathan Millet livre une œuvre saisissante qui, loin des conventions du thriller traditionnel, plonge son spectateur dans la torpeur d’une quête à la fois personnelle et universelle. Les Fantômes raconte l’histoire de Hamid, un rescapé de la prison syrienne de Saidnaya, qui, réfugié à Strasbourg, se lance dans une traque obstinée de son tortionnaire, un homme dont il ignore le visage. Ce film de genre, marqué par une tension permanente, s’éloigne de l’action spectaculaire pour se concentrer sur les détails de l’attente et de la persécution intérieure.
L’un des points forts de Les Fantômes réside dans la simplicité de sa mise en scène. Jonathan Millet évite les effets de style gratuits, préférant une approche réaliste et mesurée qui accentue la violence du monde qu’il dépeint. Chaque plan semble ancrer le spectateur dans le quotidien brisé de Hamid, dont la quête ne se limite pas à retrouver son bourreau, mais à donner sens à sa survie, à se réconcilier avec une vie marquée par des cicatrices visibles et invisibles.
Adam Bessa, dans le rôle de Hamid, incarne avec une intensité bouleversante ce personnage taciturne, hanté par son passé, qui oscille entre vengeance et rédemption. Le contraste entre sa quête intérieure et l’indifférence du monde autour de lui fait écho à des films comme Marathon Man, tout en ancrant l’histoire dans la réalité tragique de la guerre en Syrie. L'absence d’effets de suspense exagérés, comme l'utilisation de la caméra tremblante ou des scènes d'action ultradynamiques, permet à la tension de naître de la confrontation silencieuse entre les personnages et du poids de leur histoire.
Les Fantômes est plus qu’un thriller : c’est un portrait intimiste d’un homme dont la douleur est à la fois insoutenable et infinie. Par sa lenteur, sa rigueur et la puissance de ses acteurs, le film de Millet nous plonge dans un abîme moral où la frontière entre justice et vengeance se fait de plus en plus floue. Une œuvre qui marque, qui hante.
LENA GHIO