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"Welcome to Babylon" est un film profondément humain et visuellement saisissant, une exploration poignante de l'impact de la Chine de Mao sur la vie de deux artistes chinois émigrés en Australie. James Bradley nous plonge dans l’univers complexe de Jiawei Shen et de sa femme Lan Wang, deux figures artistiques exceptionnelles marquées par la Révolution culturelle et l'ère du communisme. À travers le prisme de leur relation et de la création de l’œuvre monumentale "Welcome to Babylon", le film devient une réflexion intime sur le pouvoir de l’art face à l’oppression et au traumatisme historique.
Ce qui frappe dès le début, c'est la manière dont Bradley met en lumière la résistance silencieuse de Jiawei et Lan, deux artistes dont le passé chinois demeure une ombre indélébile, même dans leur nouvelle vie en Australie. La scène des adolescents envoyés dans des contrées arides, forcés de travailler la terre, est d’une puissance visuelle marquante. On y voit la cruauté d’un régime qui transforme des vies entières en matières premières pour sa vision utopique, tandis que l’atrocité des exécutions publiques, comme celle de la place Tiananmen, résonne à travers le film. Cette mise en scène tragique n’est pas juste un portrait d’un passé lointain, mais une invitation à comprendre la brutalité du communisme au XXe siècle, une époque marquée par des dérives idéologiques aux conséquences dévastatrices.
L’ambition de Jiawei Shen de créer une peinture de 130 mètres carrés retraçant l’histoire du communisme est, au-delà de son aspect artistique, un acte de mémoire et de rédemption. Mais l’équilibre entre l’obsession de l’artiste et le soutien indéfectible de Lan, son épouse, est ce qui donne au film sa profondeur émotionnelle. Bradley filme cette quête avec une sensibilité rare, alternant entre humour surréaliste et moments de pure émotion.
Le film se distingue par sa narration plurielle, son montage intelligent, et une photographie d’une beauté glacée, magnifiquement orchestrée par Peter Coleman. La bande originale de Caitlin Yeo vient parfaire cette atmosphère, amplifiant le poids historique et la tension émotionnelle. "Welcome to Babylon" est une œuvre rare qui réussit à conjuguer histoire, art et drame intime, offrant au spectateur une expérience cinématographique inoubliable.
David Lynch, une énigme à Hollywood
Dans l'ombre des néons crépusculaires, là où le rêve se confond avec la réalité, l'œuvre de David Lynch se révèle comme une sphère mystérieuse et insondable, une invitation constante à la dérive. Stéphane Ghez, en fin connaisseur, s'aventure dans l'univers labyrinthique de ce maître du cinéma, et son documentaire devient une clé, sans jamais prétendre déverrouiller tout le mystère.
David Lynch, visionnaire sans compromis, a forgé une œuvre qui résiste à toute tentative d'analyse facile. De Eraserhead, où l'inconscient explose à la surface du réel, à Twin Peaks, cette série énigmatique qui redéfinit la frontière entre le quotidien et l'imaginaire, il a tracé un sillon audacieux à travers les abîmes de l'âme humaine. Le 21 janvier 2025, il s'éteint, laissant derrière lui une empreinte indélébile dans la culture cinématographique, comme un fantôme errant dans les ruelles de notre inconscient collectif.
À travers ce portrait fascinant, Ghez scrute l'œuvre lynchienne avec une précision presque clinique. Il décode, mais n'explique jamais complètement. Chaque image, chaque silence, chaque frémissement dans l'œuvre de Lynch semble une invitation à s’aventurer plus loin dans cette jungle de rêves déformés et de réalités fragmentées. Mulholland Drive, ce chef-d'œuvre du XXIe siècle, incarne à lui seul cette quête sans fin de sens, où l’illusion devient vérité, et la vérité, illusion.
Lynch n’offre pas des réponses mais des fragments de réflexion, des éclats d’une réalité défigurée. Ghez n’offre pas une analyse, mais une immersion. Il nous plonge dans cet océan de mystère, là où chaque vague nous pousse un peu plus loin, sans jamais parvenir à nous rendre le rivage.