Saturday, August 16, 2025

MUTEK 2025 : Montréal entre dans un nouveau cycle de créativité numérique

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MUTEK 2025 : Montréal entre dans un nouveau cycle de créativité numérique

Montréal a ses rituels estivaux. Il y a le jazz, les feux d’artifice, les nuits blanches d’Osheaga. Mais chaque mois d’août, il y a surtout MUTEK, le festival qui, depuis un quart de siècle, fait battre le cœur électronique de la ville. Alors que débute sa 26ᵉ édition ce mardi, l’organisation annonce une « nouvelle ère » : une ère marquée par l’intégration accrue des technologies émergentes, par une attention plus vive à l’inclusivité, et par une exploration audacieuse de formes artistiques inédites.

MUTEK n’est pas un festival comme les autres. C’est un laboratoire à ciel ouvert où la musique électronique, l’art numérique et les sciences de demain se croisent, se nourrissent et se heurtent dans une effervescence jubilatoire.

Plus qu’un festival : une expérience sensorielle totale

Pendant six jours, du 19 au 24 août 2025, les salles et places publiques de Montréal se métamorphosent. MTELUS devient le temple d’une techno crépitante, le Théâtre Maisonneuve se pare d’expérimentations audiovisuelles monumentales, la SAT et son dôme de 360 degrés plongent les spectateurs dans des voyages sonores à la limite de l’hypnose. À l’Esplanade Tranquille, des concerts gratuits invitent les passants à la découverte spontanée, tandis qu’une soirée au Théâtre de Verdure, en bordure du lac, promet un moment suspendu où l’ambient se fondra dans le bruissement des feuilles.

MUTEK, c’est aussi un festival de la lente surprise : chaque performance est construite en temps réel. Pas de set préenregistré, pas de format figé. Ici, les artistes improvisent, triturent leurs machines, programment des algorithmes ou manient des synthétiseurs modulaires qui ressemblent plus à des laboratoires scientifiques qu’à des platines. La musique prend la forme du présent, évolue avec la salle, respire avec le public.

On peut y entendre un morceau techno se dissoudre dans des nappes ambient, des éclats glitch percuter des notes de jazz, ou une muraille de drones s’ouvrir soudain à une pulsation dansante. Le spectateur, happé, ne consomme pas un produit fini : il assiste à un geste en train de se faire, fragile et fulgurant à la fois.


Le Village Numérique : une ville dans la ville

Du 14 au 28 août, soit deux semaines entières, le Quartier des spectacles accueille le Village Numérique : un parcours gratuit d’installations artistiques, de projections, de jeux interactifs et d’ateliers participatifs. On y déambule comme dans une foire futuriste, où l’art devient tactile, immersif, et souvent accessible au plus grand nombre.

Ces installations ne se contentent pas d’illustrer l’innovation : elles interrogent notre rapport aux technologies qui façonnent le quotidien. Peut-on faire vibrer une façade avec la lumière ? Transformer les données en danse ? Traduire les mouvements d’un passant en paysages sonores ? Ces expériences sont autant de questions ouvertes qu’invitations à l’émerveillement.

Le Village Numérique est gratuit, et c’est là sans doute l’une des forces discrètes de MUTEK : démocratiser l’avant-garde. Montrer que l’expérimental ne se résume pas à une élite underground, mais qu’il peut aussi séduire une famille en promenade ou un curieux venu par hasard.

Vous reconnaîtrez notre artiste extraordinaire Michel Lemieux qui n'hésitait pas à explorer toutes les oeuvres sur notre parcour. Sur le site, vous serez toujours bien accompagné(e)s par des guides facilement reconnaissable.

Le Forum : quand la scène rencontre le laboratoire

Au-delà des performances, MUTEK est aussi un carrefour de réflexion. Le Forum, qui se tiendra du 20 au 22 août dans des lieux comme le Monument-National, la SAT ou OASIS Immersion, rassemble artistes, chercheurs, entrepreneurs, commissaires et professionnels du numérique. C’est un lieu où l’on parle d’intelligence artificielle, d’écologies numériques, de réalités étendues, mais aussi de responsabilité éthique : que peut-on attendre de la technologie, et surtout, que doit-on en attendre ?

Le MUTEK AI Ecologies Lab, par exemple, accompagne des créateurs venus de tout le Canada dans la conception de projets inédits mêlant code, musique et visuel. Ces œuvres, souvent à la frontière entre art et science, sont présentées au public dans le cadre du festival. C’est un cercle vertueux : mentorat, expérimentation, restitution.

En filigrane, MUTEK propose un autre récit du futur. Ici, la machine n’est pas un substitut à l’humain : elle est un instrument que l’humain tord, détourne et reconfigure pour générer du sensible. L’art devient une manière de reprendre la main sur une technologie qui, ailleurs, semble nous échapper.

Une programmation foisonnante

Cette année, le sous-titre est explicite : « 2025, A New Cycle ». Au programme, près de 80 performances live, réunissant figures établies et éclaireurs émergents. Des noms prestigieux comme Speedy J, Nicola Cruz, Cassy ou James Holden côtoieront des explorateurs sonores comme Ida Toninato & Pierre-Luc Lecours, Yu Su, Ouri, Gayance, aria ou encore upsammy & Valentina Magaletti.

Chaque soirée promet un dépaysement radical. Le duo Thisquietarmy & Mothrspace fait résonner la guitare noise dans un espace cosmique, tandis que Phèdre revisite les codes de la pop électronique avec une ironie libératrice. Le public ne vient pas chercher un tube : il vient s’aventurer dans des univers inconnus, souvent déroutants, toujours stimulants.

MUTEK est né ici, mais il ne s’y limite plus depuis longtemps. Aujourd’hui, l’organisation compte des satellites à Mexico, Barcelone, Tokyo, Buenos Aires, Santiago, Dubaï. En 26 ans, plus de 1 100 artistes ont été soutenus à Montréal, et plus de 2 500 performances ont illuminé 49 villes à travers le monde.

Pourtant, l’édition montréalaise reste le vaisseau amiral, la matrice. C’est ici que se joue l’équilibre fragile entre expérimentation radicale et accessibilité, entre ancrage local et circulation internationale. Dans une ville où les festivals abondent, MUTEK demeure singulier : il n’est pas seulement un rendez-vous, mais un territoire mental où l’on vient mesurer l’avenir.

Ce qui distingue MUTEK, au fond, n’est pas seulement son affiche ni sa longévité. C’est sa philosophie. Là où d’autres festivals se contentent de montrer ce qui marche, MUTEK montre ce qui n’existe pas encore. Là où certains célèbrent la starification, MUTEK célèbre le risque.

C’est un espace où le bizarre obtient une ovation, où l’imprévisible est attendu, où l’échec même peut devenir performance. Ce n’est pas seulement une question d’esthétique : c’est une manière d’être au monde, une façon d’embrasser l’incertain.

Et c’est sans doute cela qui rend le festival si profondément humain, malgré son arsenal de technologies. Car derrière les machines, il y a toujours la même question : qu’est-ce que cela nous fait ressentir ?

À l’heure où l’industrie culturelle se standardise, où les algorithmes dictent ce que nous écoutons et regardons, MUTEK propose un espace de respiration. Un lieu où l’on retrouve le droit d’être surpris, déstabilisé, ébloui.

Dans les salles obscures comme sur les places publiques, le festival nous rappelle que l’avenir n’est pas une suite logique : c’est un terrain mouvant que l’art peut explorer avant qu’il ne se fige.

En proclamant l’entrée dans une « nouvelle ère », MUTEK ne signe pas un slogan de communication. Il exprime une conviction : que le numérique n’a pas seulement pour fonction de nous connecter ou de nous divertir, mais de nous permettre d’imaginer d’autres mondes possibles.

Informations pratiques

  • MUTEK Festival : 19–24 août 2025

  • MUTEK Forum : 20–22 août 2025

  • Village Numérique : 14–28 août 2025

  • Lieux : MTELUS, Théâtre Maisonneuve, SAT + Satosphère, Esplanade Tranquille, Théâtre de Verdure, Monument-National, OASIS Immersion, DASA

MUTEK n’est pas qu’un festival de musique électronique. C’est une proposition de monde. Un monde où l’innovation rime avec poésie, où l’avant-garde s’invite dans la rue, où la curiosité collective devient un moteur de création.

À Montréal, la fin août n’est pas seulement une transition vers l’automne : c’est une immersion dans l’avenir. Et pour qui accepte de s’y perdre, MUTEK demeure l’un des rares endroits où l’on peut encore ressentir, dans toute sa force, l’éclat d’une véritable découverte.

LENA GHIO   

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Photos © LENA GHIO2025

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